Après avoir été approuvé par le gouvernement, le décret de promotion de la santé porté par la Ministre Cécile Jodogne vient d’être voté en commission santé ce 12 janvier 2016. Elle répond aujourd’hui à nos questions concernant cette nouvelle réglementation.
Quel est l’objectif de ce décret ?
Cécile Jodogne : À la base le décret propose un cadre légal à la politique de promotion de la santé menée par le Gouvernement francophone bruxellois (Cocof) pour accueillir les nombreuses compétences transférées suite à la 6ème réforme de l'Etat et celles consécutives aux accords intra-francophone (Cocof-FWB-RW). Mais nous avons aussi voulu faire un travail de fond et proposer un apport qualitatif pour le meilleur fonctionnement possible de la promotion de la santé à Bruxelles.
Concrètement, ce cadre va donc permettre une vision cohérente. Comment les priorités vont-elles être fixées ?
C.J. : La promotion de la santé à destination des Francophones bruxellois s'articulera dorénavant autour d’un plan qui sera redéfini tous les cinq ans. C'est sur base des priorités de ce plan que les actions de terrain seront subventionnées. Par priorités, on entend, à titre d'exemples : prévention du VIH et des autres infections sexuellement transmissibles, promotion des attitudes saines (alimentation saine et exercice physique), prévention et réduction des risques, par exemple ceux liés à la consommation problématique d’alcool et à l’usage des drogues.
Ces priorités sont mises en œuvre par divers acteurs de terrain, des asbl pour la plupart. Jusqu’à présent, l’initiative venait essentiellement des associations, ce qui représentait une très grande richesse mais ne permettait pas toujours de réellement piloter la politique. Par pilotage on entend : définir des priorités à partir des données disponibles, les mettre en oeuvre et évaluer les actions.
Dorénavant, sur la base du plan, des appels à projets précisant les priorités seront lancés par le Collège et les acteurs pourront y répondre. S’ils satisfont aux critères définis, ils seront subventionnés pour contribuer à la mise en œuvre du plan. Enfin, une évaluation est prévue, d’abord à mi-parcours puis à la fin de chaque période de cinq ans.
Mais attention: les acteurs seront associés à l’élaboration du Plan et il sera largement tenu compte de leur expertise. Le dialogue et la concertation seront la clé d’un équilibre efficace entre volonté politique et dynamique associative. Par ailleurs, il y aura toujours une place pour soutenir des actions pertinentes qui ne feraient pas partie des appels à projets.
Un plan pour cinq ans, n’est-ce pas trop long ?
C.J. : Nous le verrons, la flexibilité du dispositif permet d’opérer les ajustements nécessaires au cours de la période de cinq ans.
Concrètement, ce décret amène de la rigueur, de la souplesse et de la transparence. La rigueur trouve sa source dans les constats scientifiques en matière de santé, notamment ceux de l’Observatoire de la santé et du social. La souplesse permet de faire évoluer les axes du plan ou de cibler des publics prioritaires ou des thématiques émergentes en cours de quinquennat si besoin en est. La transparence parce c’est le Gouvernement qui prend les décisions.
Vous parlez de souplesse, cela suppose une bonne interaction avec les acteurs de terrain. Comment va fonctionner ce nouveau dispositif pour aider les acteurs de terrain et faire remonter l’information ?
C.J. : Le premier point d’articulation est la désignation de plusieurs services de support et d’accompagnement. La mission de ces services, qui existent déjà pour la plupart, est d'optimiser le travail réalisé par les acteurs de terrain. Ce sont de véritables “piliers” qui viendront aider à renforcer la qualité des interventions ou la concertation nécessaire entre les acteurs. Ils seront désignés en fonction de leur expertise méthodologique ou thématique et interviendront comme ressources à la disposition des acteurs de terrain et des relais pour la mise en place des différents axes du plan. Les conventions avec ces services auront aussi un terme de cinq ans.
L’objectif est de valoriser l’expertise des services spécialisés en communication, en accompagnement de projet, en formation, en gestion de données pour optimiser les méthodes de travail des acteurs de terrain. Et pour les thématiques prioritaires comme les assuétudes, les attitudes saines ou la prévention des maladies sexuellement transmissibles, les services qui ont acquis une expertise dans ces domaines seront garants sur le long terme de la qualité de la réflexion.
Un meilleur suivi du travail de terrain, c’est aussi mieux connaître les besoins. Mais il faut aussi que cette plus-value puisse être exploitée au moment de la prise de décision. Qu’avez-vous mis en place pour cela ?
C.J. : Au sein de l’administration de la Cocof, la cellule d’appui assurera plus spécifiquement l'aide à la décision concernant l'ensemble de la politique de promotion de la santé. L'intérêt est d'instaurer un véritable lieu de préparation des décisions du Gouvernement, qui pourront mieux refléter la synthèse des orientations politiques et des réalités du terrain.
Cette cellule dirigée par un coordinateur de la promotion de la santé sera à la fois le laboratoire scientifique de la promotion de la santé et le lien actif entre l’instance de pilotage et les services de support.
Les questions de santé sont souvent en lien avec d’autres problématiques. Comment le décret favorise-t-il la prise en compte de l’influence des inégalités sociales ou les conditions de logement par exemple ?
C.J. : Oui, c’est un aspect important du décret. Concrètement, il fallait garantir la transversalité des décisions. Il y aura donc une instance de pilotage qui préparera les décisions du Gouvernement.
Cette instance de pilotage sera composée de représentants du Gouvernement francophone bruxellois, de l'administration, du coordinateur de la cellule d'appui et pourra inviter des experts et des représentants d'autres compétences en lien avec la santé (action sociale, logement par ex.), ceci afin de prendre en compte les transversalités politiques nécessaires
Et comment allez-vous assurer la consultation avec les représentants des pouvoirs organisateurs, des travailleurs et des utilisateurs ?
C.J. : Le conseil supérieur de promotion de la santé de la Communauté française est remplacé par une nouvelle section au sein du conseil consultatif bruxellois francophone de l’aide aux personnes de et de la santé. Cette instance sera composée de représentants des pouvoirs organisateurs et des travailleurs ainsi que d’experts et de représentants d’utilisateurs.
Ce sera là une opportunité de transversalité supplémentaire puisque ce conseil consultatif réunit d’autres sections relatives aux personnes handicapées, aux services ambulatoires, à l’aide et aux soins à domicile, à la cohésion sociale, à l’hébergement.
A vous entendre on constate que le décret de promotion de la santé est bien plus qu’une réponse aux attentes liées à l’accueil des nouvelles compétences. Il met en place une nouvelle manière de gérer le secteur.
C.J. : Bien-sûr, je ne voulais en aucun cas faire l’économie d’un travail de fond pour rénover la gestion du secteur. Je veux insuffler une nouvelle logique de pilotage des actions, d’évaluation de la politique publique, en favorisant l'interaction entre le citoyen, le secteur associatif et la décision politique, pour une meilleure adéquation entre les besoins constatés et les moyens mis en œuvre. Le décret offre une nouvelle articulation des dispositifs mis en place jusqu’à présent. Il clarifie la place de chacun des acteurs de promotion de la santé en maintenant la stabilité de l’emploi dans le secteur.